AMÉRIQUE PRÉCOLOMBIENNE (archéologie et art) - Archéologie préhistorique du Canada

AMÉRIQUE PRÉCOLOMBIENNE (archéologie et art) - Archéologie préhistorique du Canada
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DES ORIGINES AUX PREMIERS VILLAGES

Sur une carte d’Amérique du Nord, le tracé rectiligne et artificiel des frontières politiques au sud et au nord-est du Canada illustre à quel point la notion d’une «préhistoire du Canada» ne recouvre aucune réalité naturelle. Il est donc difficile d’isoler les données préhistoriques provenant du territoire canadien de l’ensemble des données provenant d’une part de l’Amérique et d’autre part de l’Arctique.

Dans l’état actuel des connaissances, l’implantation de l’homme sur ce territoire est en grande partie liée à l’évolution de l’inlandsis wisconsinien. La période glaciaire du Wisconsinien, la plus récente, correspond à celle du Würm en Europe et dura approximativement de 100 000 à 10 000 A. A. (avant aujourd’hui, c’est-à-dire avant 1950, ou selon les auteurs anglo-saxons B. P., before present ); avec elle s’achève le Pléistocène et commence l’Holocène. Lors de leur extension maximale, entre 25 000 et 14 000 A. A., d’immenses masses de glace, des inlandsis, recouvraient la quasi-totalité de ce qui est aujourd’hui le Canada, à l’exception d’une grande partie du Yukon et peut-être, au moins à certaines périodes, d’un étroit couloir longeant à l’est la cordillère des Rocheuses. Ces inlandsis – plusieurs fois l’étendue du Groenland – constituèrent évidemment une barrière géographique s’opposant à la circulation animale et humaine, ou du moins filtrant celle-ci entre la Béringie et le reste de l’Amérique. Ils représentent aussi une barrière chronologique que les préhistoriens essayent de franchir: le Nouveau Monde était-il peuplé pendant et avant la dernière glaciation ?

Un milieu physique changeant, contemporain des premiers occupants

Le développement des glaciers entraîne un abaissement général du niveau marin. En conséquence, lors du maximum de la dernière période glaciaire, une bande de terre qui atteignit 1 000 à 1 500 km de largeur fut dégagée autour du détroit de Béring. Elle unissait, pendant une grande partie du Wisconsinien, la Sibérie orientale à l’Alaska et au Yukon avec lesquels elle forma la «Béringie», vaste espace de steppe et de toundra. L’Alaska et le Yukon constituaient en fait un appendice géographique de l’Asie orientale, et le Nouveau Monde commençait seulement au sud des calottes glaciaires du Canada. L’inlandsis laurentidien occupait le centre et l’est du Canada, et la calotte de la Cordillère, beaucoup plus petite, s’étendait à l’ouest, le long de la côte du Pacifique, en se développant à partir des Rocheuses. Il semble que, au moins pendant une grande partie du Wisconsin, surtout avant 25 000 et après 14 000 A. A., les deux inlandsis ne se rejoignaient pas complètement, laissant dégagé un couloir dont la largeur fluctuait en fonction de l’extension des calottes glaciaires. Ce couloir permit peut-être le passage de groupes humains. Or, jusque vers 1970, les traces ou vestiges antérieurs à 12 000 A. A. qui avaient été attribués à l’homme étaient aussi rares que douteux. À partir de 1970, des équipes pluridisciplinaires trouvèrent au Yukon, surtout dans la vallée du Old Crow, des objets, essentiellement en os, qui semblaient avoir été façonnés par l’homme. Le contexte géologique et parfois la radiochronologie semblaient indiquer des âges allant de 15 000 à 50 000 ans et peut-être plus de 70 000 ans, c’est-à-dire avant l’extension de l’humanité moderne, qui se généralise à partir de 40 000 A. A. dans l’Ancien Monde. Depuis 1980, toutefois, à la suite de nouvelles évaluations stratigraphiques des sites, de nouvelles études technologiques et radiochronologiques des objets attribués à l’homme, il subsiste peu de témoins fiables d’une présence humaine antérieure à 15 000 A. A. L’origine humaine des marques d’éclatement ou de façonnage des os suscite toujours de vives controverses. Le célèbre queursoir (grattoir à peaux) façonné dans un tibia de caribou, d’abord daté par le 14C de 27 000 A. A. (1973), a été rajeuni de 26 000 ans en 1986 à la suite d’une nouvelle datation 14C effectuée par spectrométrie de masse sur accélérateur: 1350 梁 150 A. A. L’erreur de datation est attribuée à une forte contamination de l’objet par les carbonates provenant de l’humidité du sol dans lequel il fut trouvé.

L’existence d’un homme du Pléistocène au Canada est donc encore incertaine. Au contraire, celle de l’homme de l’Holocène, qui suivit la régression des glaciers à partir de 12 000 A. A., se précise de plus en plus. La fin de la période préhistorique, qui s’achève brusquement avec l’arrivée des Européens entre le XVIe et le XIXe siècle, est assez bien connue car le mode de vie et les traditions des Amérindiens et des Inuit ont été observés directement par les premiers colons et par quelques ethnologues.

Les chasseurs de gros gibier

Les objets encore susceptibles de témoigner d’une présence humaine antérieure à 12 000 A. A. viennent de la vallée du Old Crow, au Yukon. Ce sont des os de mammouths et d’autres grands mammifères, éclatés ou débités à la façon d’un nucléus. Plusieurs datations effectuées par les techniques les plus récentes les situent entre 24 000 et 30 000 A. A.; une autre date, moins sûre cependant, remonterait au-delà de 40 000 A. A. L’origine humaine des marques observées sur ces os ne fait cependant pas l’unanimité des archéologues. En revanche, la grotte du Poisson bleu (Bluefish), dans la même région, a livré des objets en chert, une sorte de silex: des éclats, un burin d’angle sur lame et une chute de burin que la stratigraphie et la radiochronologie placeraient au moins dès 15 500 A. A., peut-être 18 000 A. A. Il existe donc encore au Yukon une accumulation d’indices d’une présence humaine à la fin du Pléistocène. Il s’agirait de chasseurs de grands mammifères aujourd’hui disparus, tels que les mammouths, les gros bisons et les chevaux. De nombreuses questions les concernant restent encore sans réponse: l’aspect physique de ces hommes est inconnu. Sont-ils demeurés en Béringie? Sont-ils passés entre les inlandsis? Ont-ils essaimé dans toute l’Amérique, jusqu’au Brésil où des dates remontant jusqu’à 31 500 A. A. ont été obtenues récemment?

À partir de l’Holocène, soit vers 10 000 A. A., de grands lacs remplacent les inlandsis qui se morcèlent et reculent rapidement. Le niveau marin remonte; le socle continental, allégé, se relève; les zones de végétation, jusque-là comprimées vers le sud, s’étalent vers le nord. Des chasseurs de gros gibiers, déjà présents aux États-Unis et désignés sous le terme global de Paléo-Indiens, peuvent fréquenter le territoire canadien. On les retrouve au bord des grands lacs, dans la toundra, près des côtes. Malgré leur réputation, ils ne dédaignent ni le plus petit gibier, surtout dans l’Est où ils chassent le caribou, ni les plantes. L’arme qui les caractérise est la pointe de jet à cannelure proximale, dont les deux grands types sont ceux de Clovis et de Folsom, mais ils utilisent aussi des grattoirs, des forets, des couteaux de pierre, parfois des burins. Des outils en andouiller et en os de mammouth ou de mastodonte ont aussi été retrouvés. Le couloir entre les deux inlandsis permit aux Paléo-Indiens d’avoir des contacts avec les Béringiens ou de remonter jusqu’en Béringie, car des pointes à cannelure y furent trouvées. Dans ces régions nordiques, ce sont plutôt des industries caractérisées par des microlames qui apparaissent sur les sites dès 12 000 A. A.

De 10 000 à 8 000 A. A., les formations archéologiques paléo-indiennes, à l’est des Rocheuses, se différencient progressivement selon les régions mais sont regroupées sous le nom de «culture» ou «tradition Plano», caractérisée par un perfectionnement technique et une diversification des pointes de jet, lancéolées, façonnées par de fines retouches parallèles mais généralement sans cannelure proximale. La tradition Plano, bien représentée dans les Prairies où elle serait apparue, se retrouve aussi vers l’est, en Gaspésie et en Nouvelle-Écosse, et vers le nord jusque dans les Territoires du Nord-Ouest. L’outillage s’adapte à ces régions où les chasseurs, en petits groupes très mobiles, exploitent surtout le caribou. Avec la tradition Plano apparaissent déjà des indices de transport de matière première sur de longues distances. La calcédoine provenant de Gaspésie fut emportée le long du Saint-Laurent jusqu’à 800 km de son origine, ce qui suggère l’existence d’embarcations. Au Canada oriental, à partir du VIIe millénaire avant J.-C., les formations régionales sont regroupées sous le terme général d’Archaïque, appliqué à des sociétés de chasseurs de petit gibier, pêcheurs, collecteurs, vivant dans un milieu forestier apparu à la suite des changements écologiques post-glaciaires caractérisés par le retrait des glaciers, la diversification du paysage, donc des ressources, qui s’ensuivit, ainsi que par l’extinction de la grande faune du Pléistocène. Certains sites du début de l’Archaïque, surtout en périphérie des plaines, contiennent des objets de la tradition Plano suggérant qu’il y eut, selon les endroits, contacts occasionnels ou évolution in situ.

Des chasseurs-collecteurs aux producteurs

La chasse au petit et moyen gibier ainsi que la collecte des végétaux comestibles existaient même chez les chasseurs que nous connaissons, surtout dans l’Ouest, par des sites d’abattage de gros gibier. Toutefois, ces deux activités ne sont vraiment attestées d’une façon générale qu’à la période archaïque. On note alors une variété croissante de modes d’adaptation et de subsistance correspondant à des systèmes culturels de plus en plus distincts avec le temps et, vers le sud, liés à des systèmes écologiques spécifiques. Il est plus commode d’étudier ces sociétés préhistoriques en se référant à de grandes aires géographiques.

Les cultures de la cordillère des Rocheuses et de la côte pacifique

Les Rocheuses canadiennes ainsi que la côte et les îles du Pacifique constituent une région extrêmement variée et découpée, correspondant à la Colombie britannique, dont l’histoire du peuplement et l’évolution culturelle se distinguent de celles du reste du Canada. On peut subdiviser la région en une zone intérieure et une zone côtière s’étendant de l’île de Vancouver jusqu’en Alaska. Les premiers occupants de l’intérieur se manifestent sur le plateau méridional avant 8 000 A. A. à Gore Creek. Venus, semble-t-il, du sud et de l’est, ils utilisaient des pointes de jet lancéolées, souvent à pédoncule long et large. Quelques pointes à cannelure proximale trouvées en surface indiquent une occupation encore plus ancienne mais mal attestée. Un climat légèrement plus chaud que celui d’aujourd’hui favorisait alors l’extension des prairies propices au gros gibier. Peu après 8 000 A. A., le climat devient plus humide et se refroidit, les rivières se développent, le saumon commence à remonter loin en amont, des dépôts de sable éolien se forment le long des vallées. C’est là que des chasseurs, qui pêchaient aussi le saumon, installent leurs camps. Ils étaient sur le site de Drynoch Slide dès 7 500 A. A., sur le site de Yale de 7 000 à 5 000 A. A. et laissèrent, surtout dans la vallée du Fraser, divers outils sur éclats, des grattoirs et une grande variété de pointes de jet à pédoncule court ou à encoches, probablement lancées par des propulseurs. Pendant cette période, l’obsidienne du mont Edziza et celle du Kootenay commencèrent d’être exploitées et transportées sur plus de 800 km. Entre 5 500 et 4 500 A. A. apparaît la culture Nésiképienne, caractérisée au début par des microlames qui réapparaissent sporadiquement après 3 000 A. A., de grandes pointes de jet à encoches latérales ou angulaires et un outillage plus diversifié. Les habitats, de plus en plus importants et semi-sédentaires en hiver, sont établis le long des rivières et correspondent à une économie reposant surtout sur la pêche au saumon. Des habitations semi-souterraines en bois sont construites dès 2 000 A. A.; les groupes se diversifient selon les vallées, les sites deviennent plus nombreux, la cueillette de légumineuses et d’autres plantes sauvages fournit un apport alimentaire de plus en plus important à partir de 1 500 A. A. Les échanges s’intensifient avec la zone côtière. La sédentarisation progresse avec l’utilisation de caches, d’inhumations en fosses et sous des cairns, d’ustensiles plus encombrants et le développement de l’art rupestre. La fin du Nésiképien correspond à la culture Salish de l’intérieur observée par les ethnologues.

La côte Pacifique, plus tôt libérée des glaciers qui se résorbaient vers les hauteurs, fut sans doute fréquentée par l’homme avant l’intérieur. Il n’est pas impossible que le littoral et les îles aient constitué un itinéraire emprunté par l’homme au Pléistocène depuis la Béringie jusqu’au sud des inlandsis. Une telle hypothèse restera longtemps difficile à vérifier, car les objets et les structures pouvant témoigner d’un tel cheminement ont toutes les chances d’être aujourd’hui profondément immergés, en raison de la remontée du niveau marin consécutive à la fonte des glaciers. Certains des nombreux galets aménagés de facture primitive – choppers et chopping tools – trouvés sur les plages soulevées du delta du Fraser, ou au sud des îles de la Reine-Charlotte, témoignent peut-être d’une occupation antérieure à 10 ou 11 000 A. A. Entre 10 000 et 8 000 A. A., toute la côte pacifique et les îles sont occupées, avec des variantes culturelles différentes au Nord, au centre et au Sud. Les emplacements de camps, possédant parfois des foyers, indiquent la présence de petits groupes nomadisant en chassant le caribou et en exploitant déjà les ressources de l’estran: mollusques et poissons pêchés au filet comme en témoigne un poids de filet. L’outillage est encore sommaire: galets aménagés, éclats, grattoirs. Cependant, au Nord, il comprend déjà des microlames alors que les pointes de jet sont absentes. Au Sud, par contre, le Cordillérien d’origine sans doute plus méridionale est caractérisé par des pointes foliacées, ou parfois pédonculées, et des couteaux, mais les microlames sont très rares. Les sites côtiers du Cordillérien semblent déjà installés aux endroits propices à la pêche au saumon, mais, à l’embouchure du Fraser, le site Glenrose, riche en vestiges fauniques, montre que d’autres poissons, comme l’esturgeon, étaient consommés, ainsi que des mammifères: cerf, élan et phoque. Les outils en obsidienne de l’Orégon trouvés sur les sites cordillériens indiquent qu’un réseau d’échanges s’étendait jusqu’à 700 km vers le sud. Dans la zone centrale, les cultures du Nord et du Sud se rencontrent et se mêlent, comme en témoigne le très riche site de Namu, un peu au nord de l’île de Vancouver. À partir de 5 500 A. A., une culture originale se développe sur la côte, fondée sur l’exploitation extensive des ressources marines et sur celle du cèdre rouge. Ce bois sert à construire les maisons, mais aussi à confectionner de nombreux objets au moyen d’herminettes, de haches, de ciseaux. L’utilisation de l’ardoise polie s’intensifie au Sud à partir de 3 500 A. A. Les ressources exploitées se diversifient, incluant les moules et les palourdes; la sédentarisation et les échanges se développent en même temps que la richesse et l’accumulation de biens conduisant à la hiérarchisation de la société, comme semblent l’indiquer les déformations crâniennes et la présence de divers ornements, mais engendrant aussi de nombreux conflits comme l’attestent les armes et les membres fracturés. À partir de 4 000 A. A. s’amorce un développement artistique qui sera remarquable au début de l’époque historique: sculpture sur pierre, sur bois, pétroglyphes, façonnage de grands récipients en pierre souvent décorés. Ces cultures côtières très particulières, qui ne cessèrent de se raffiner et d’innover après 1 500 A. A., sont les ancêtres des Salish, des Tsimshians et des Haida rencontrés par les premiers Européens au XIXe siècle.

Les plaines du centre

Après l’extinction de la grande faune du Pléistocène, c’est le bison qui devient le principal gibier chassé dans les vastes prairies du Canada central. Moins peuplé pendant la période plus chaude et plus sèche de l’Altithermal (7 000-4 500 A. A.), ce territoire devient ensuite une aire où convergent diverses influences ou groupes venus de l’Est (des chasseurs de l’Archaïque), du Sud et de l’Ouest. Progressivement, après 6 000 A. A., apparaissent des pointes à encoches latérales correspondant à l’Archaïque ancien du Sud, et des pointes à pédoncule. La présence du chien domestique, probablement utilisé pour le portage, est attestée après 4 000 A. A. La technique de chasse collective au bison, encore très pratiquée à l’arrivée des Européens, remonte à cette époque au moins. Elle consistait à poursuivre les troupeaux de telle façon qu’ils se précipitent en bas des falaises où les attendaient les chasseurs. Les pointes de jet associées à ces sites d’abattage voient leur taille diminuer jusqu’à devenir de petites pointes triangulaires à encoches pouvant armer les flèches. Des structures radiales à caractère symbolique, constituées de blocs de pierre alignés (medecine wheels ) participaient peut-être à un rituel associé soit à la chasse au bison soit à des cycles astronomiques. À partir de 3 000 A. A., la poterie apparaît progressivement dans la plaine canadienne et se répand vers le Nord, jusque dans la forêt boréale, témoignant d’une exploitation croissante des ressources végétales. Cette poterie permet de retracer des réseaux d’influences allant des plaines états-uniennes à l’Est canadien et au plateau de la Cordillère; les pointes de flèches jalonnent ce réseau jusqu’au Yukon. Finalement, l’utilisation des armes à feu et le commerce avec les Eurocanadiens contribuent à modifier les relations entre tribus, rendant parfois difficile pour les archéologues l’établissement de liaisons précises entre les vestiges préhistoriques et le passé des sociétés amérindiennes historiques.

L’Est canadien

On peut distinguer deux zones archéologiques dans l’Est canadien: une zone méridionale, caractérisée par des forêts de feuillus, comprenant le sud de l’Ontario, la vallée du Saint-Laurent et la partie du Canada située au sud et à l’est du fleuve; une zone septentrionale coïncidant avec le bouclier canadien et les forêts où les conifères abondent, qui comprend le nord de l’Ontario, la majeure partie du Québec au nord du Saint-Laurent et Terre-Neuve.

Dans la zone méridionale, plus tôt libérée par les glaciers, l’adoucissement du climat et la diversification écologique ont favorisé une occupation plus intense et plus variée que dans la zone septentrionale restée subarctique. Les pointes à cannelure proximale, analogues à celles de types Folsom et Clovis, sont nombreuses en Ontario et une variante, le type de Debert, existe dans les provinces maritimes. La tradition Plano se retrouve dans la vallée du Saint-Laurent, dans les provinces maritimes, en Gaspésie et peut-être même au sud du Labrador. Ces vestiges attestent la présence, il y a au moins 10 000 ans, de bandes paléo-indiennes, dont le mode de subsistance et le système culturel changèrent, par interaction avec le milieu naturel et sous l’influence ou peut-être à la suite de l’arrivée de groupes d’origine plus méridionale. Au lieu du gros gibier du Pléistocène, comme dans l’Ouest, les Paléo-Indiens chassaient d’abord le caribou. Progressivement, la chasse des petits mammifères, la pêche et la cueillette prennent une place importante dans leur mode de subsistance. Sur certains sites, comme ceux de Gaspésie, l’occupation paraît continue jusqu’à la fin du premier millénaire de l’ère chrétienne.

À partir du VIe millénaire, on constate une diversification générale des ressources cynégétiques et des adaptations culturelles, correspondant plus ou moins à trois grands ensembles géographiques.

Sur la côte atlantique, depuis la Nouvelle-Angleterre jusqu’à Saglek au nord du Labrador, et sur une partie de l’estuaire du Saint-Laurent, on trouve des cultures regroupées sous le nom d’«Archaïque maritime». L’exploitation, au moins saisonnière, du milieu marin pouvait alterner avec la chasse au caribou à l’intérieur des terres. Armes et outils sont en pierre taillée et polie. Divers instruments et figurines sont façonnés dans la pierre, l’os et l’ivoire. Le tumulus de l’Anse Amour, dans le détroit de Belle-Isle (7 500 A. A.), a livré entre autres une tête de harpon détachable analogue mais antérieure à celles qui caractérisent les cultures arctiques. Le mode de subsistance des Béothucks, Micmacs et Malécites rencontrés par les premiers explorateurs blancs perpétuait celui des peuples côtiers préhistoriques.

Dans la vallée du Saint-Laurent et dans les régions situées à l’est des Grands Lacs, soit la majeure partie de la zone méridionale, les groupes qui vivaient de la chasse, de la pêche et de la cueillette constituent l’«Archaïque laurentien». Ces groupes façonnent, comme les autres peuples du Canada, des objets en pierre mais ils utilisent en outre le cuivre natif du lac Supérieur et s’insèrent dans un vaste réseau d’échanges de matières premières et de coquillages, s’étendant jusqu’à l’Ouest canadien et jusqu’au golfe du Mexique. C’est là qu’apparaîtront beaucoup plus tard les sociétés de producteurs.

La forêt boréale du bouclier canadien, de part et d’autre de la baie d’Hudson, occupe la zone septentrionale; les groupes qui y vivent correspondent à l’«Archaïque du bouclier». Les objets qui en témoignent, surtout lithiques, rarement polis, parfois en cuivre natif, proviennent de sites localisés le long des voies navigables et des lacs. Ils attestent la perpétuation, jusqu’à l’arrivée des Blancs, de bandes semi-nomades vivant surtout de chasse et de pêche à la façon des Cris, des Ojibways et des Algonquins historiques. Les échanges avec les autres régions sont faiblement attestés et restent limités aux zones périphériques.

Les distinctions entre Archaïque maritime, Archaïque laurentien et Archaïque du bouclier sont quelque peu arbitraires et il est vraisemblable que, dans certains cas, elles reflètent seulement les modes d’adaptation saisonniers d’une même population nomadisant d’une région à l’autre. En outre, les fluctuations climatiques se traduisent par l’extension ou la réduction des territoires occupés. Dans la marge septentrionale, on observe même une alternance avec l’occupation paléo- et néo-esquimaude.

Le Nord canadien

À l’exception des plus anciennes formations archéologiques des monts Britanniques au nord du Yukon, aussi vagues que mal datées, une grande partie du Nord canadien semble avoir été soumise, par migration ou diffusion, à des influences venues du Mésolithique sibérien. De 8 000 à 5 000, et même 3 000 A. A., dans les forêts boréales intérieures, la «tradition microlithique du Nord-Ouest» constitue le substrat à partir duquel se développent les cultures indiennes du sub-arctique occidental. C’est d’elle qu’émergeraient, par l’intermédiaire de la culture Dénétasiro, les Athapascans. Outre une industrie en silex caractéristique du Mésolithique, comportant des microlames, des burins, de petits grattoirs et des nucléus spécialisés, cette tradition inclut des pointes de jet évoquant le Plano et des pointes à pédoncule ou à encoches analogues à celles de l’Archaïque des Grands Lacs.

À partir de 4 000 A. A. au moins, la tradition microlithique de l’Arctique se manifeste en Alaska et au nord du Groenland. D’abord découverte au site d’Iyatayet du cap de Denbigh, elle semble disparaître de l’Ouest après 3 000 A. A. mais se développe sans interruption dans l’Arctique oriental et se répand dans l’Arctique central jusqu’à l’île de Banks et jusqu’au grand lac de l’Ours.

En raison de l’abondance du gibier, le vaste espace nordique de l’Arctique canadien, une fois libéré des glaciers, devint un paradis pour les chasseurs déjà adaptés à l’Alaska et peut-être à la Sibérie. À la fin de l’optimum climatique qui suivit la déglaciation, il y a 4 000 à 5 000 ans, de petites bandes de chasseurs nomades, porteurs de la tradition microlithique de l’Arctique, se répandent rapidement jusque dans les régions du Groenland, du Labrador et de l’archipel arctique. Selon les endroits et les saisons, ils chassent le phoque, le morse, le bœuf musqué ou le caribou et vivent essentiellement sous la tente. Ils se développent en s’adaptant avec beaucoup de souplesse aux particularités locales de l’Arctique oriental, où ils constituent l’ensemble des cultures paléo-esquimaudes. Les variantes de Nûdglît et du fjord de l’Indépendance, les plus anciennes, celles du Pré-Dorsétien et des formations de Saqqaq représentent la première phase du Paléo-Esquimau caractérisée par des outils de pierre taillée, le plus souvent extrêmement petits, environ 20 millimètres de longueur, façonnés avec une finesse extraordinaire, en particulier les burins. Ces premières sociétés paléo-esquimaudes nomadisent surtout le long des côtes de l’Arctique mais pénètrent aussi, de 3 500 à 2 700 A. A., à l’intérieur des terres où elles s’adaptent à un mode de vie continental. À l’inverse, dans l’Arctique occidental, des Indiens devaient adopter un mode de subsistance côtier. Dans les régions côtières, les Paléo-Esquimaux furent témoins de changements importants du milieu physique, consécutifs au relèvement isostatique des terres qui, autour de la baie d’Hudson et dans le golfe de Fox, atteignit trois mètres par génération. Ils occupèrent certaines régions, en alternance avec les chasseurs des forêts boréales (Archaïque du bouclier au Keewatin) ou ceux des côtes du Labrador (Archaïque maritime). Il y eut vraisemblablement des contacts, mais les échanges de traits culturels semblent peu importants.

Au début du Ier millénaire avant J.-C., il semble possible de distinguer dans tout l’Arctique oriental quelques changements technologiques mineurs permettant d’y situer le commencement de la seconde phase paléo-esquimaude correspondant au Dorsétien. Les Dorsétiens, que l’on retrouve dans l’île de Victoria jusqu’à l’est du Groenland, et de l’archipel arctique jusqu’à Terre-Neuve et au détroit de Belle-Isle, n’exploitent qu’exceptionnellement la toundra intérieure. Ils construisent des igloos de neige et creusent des maisons semi-souterraines de types très variés. Ils utilisent parfois des habitations collectives aussi longues que les maisons iroquoises (40 m). L’outillage lithique, façonné par éclatement mais aussi par polissage, est un peu plus grand et comprend peu de burins, davantage de lames et de microlames. L’os et l’ivoire délicatement taillés et incisés servent à fabriquer des accessoires de chasse, de couture, et des figurines animales et humaines, témoignant d’une expression artistique très originale. Lampes et récipients en stéatite sont abondants, ainsi que les têtes de harpons détachables en os et en ivoire.

À l’aube du IIe millénaire après J.-C., un réchauffement climatique général de quelques siècles favorisa l’expansion vers l’est d’une culture côtière de l’Arctique occidental. Les Néo-Esquimaux, ou Thuléens, vinrent de l’Alaska jusqu’au Groenland et occupèrent dès le XIe ou XIIe siècle tout le territoire paléo-esquimau. Ils se nourrissent, entre autres, de grosses baleines et utilisent leurs ossements pour construire des maisons semi-souterraines. La culture thuléenne coexista dans certaines régions avec la culture dorsétienne, mais entre le XIVe et le XVIe siècle, après 4 000 ans d’un parfait équilibre adaptatif soumis jusqu’alors à peu d’influences extérieures, les derniers Paléo-Esquimaux disparaissent, acculturés, exterminés ou assimilés par les Néo-Esquimaux. Un nouveau refroidissement du climat et les variantes écologiques de l’Arctique oriental contribuent à modifier le système culturel thuléen qui, à l’arrivée des Blancs, avait adopté dans certaines régions un mode de subsistance de type paléo-esquimau.

Les producteurs

C’est dans la plaine du Saint-Laurent que le mode de subsistance évolua, lentement et tardivement, vers l’agriculture. Vers 1000 avant J.-C., l’apparition de la poterie, peut-être d’abord sous de lointaines influences nord-occidentales, constitue le repère conventionnel permettant de distinguer l’«Archaïque» du «Sylvicole», sans qu’il y ait discontinuité du système économique ou du mode de peuplement. Les réseaux d’échanges se développent. Les bandes deviennent plus importantes et semi-sédentaires. La récolte des céréales sauvages entraîne l’exploitation d’un territoire plus restreint. D’autres influences, venues surtout des vallées de l’Illinois, de l’Ohio et du Missouri-Mississippi semblent évidentes dans la poterie, dans certains objets de pierre ainsi que dans la construction de tumulus funéraires et de structures de blocs zoomorphes en Ontario et au Manitoba. Cependant, l’agriculture proprement dite, celle du maïs, venue du Mexique, n’apparut vraiment qu’entre 500 et 800 après J.-C., peut-être rendue nécessaire par la pression démographique. Elle fut permise par la différenciation adaptative des espèces ainsi que par le réchauffement climatique. C’est à la même époque d’ailleurs qu’eurent lieu les premières traversées de l’Atlantique: les incursions norroises au Labrador et à Terre-Neuve, vers l’an 1000, annonçaient, avec quelques siècles d’avance, la fin de la période préhistorique. Avec l’agriculture et la sédentarisation s’installe alors un état de guerre endémique qui nécessite la construction de fortifications en bois. Les tribus iroquoyennes de l’Ontario et du Saint-Laurent se regroupent en «confédérations» rivales – Iroquois, Hurons, Pétuns, Neutres – et vivent dans de longues maisons collectives recouvertes d’écorce qui forment de grands villages. À l’arrivée des premiers colons, elles cultivaient aussi depuis quelques siècles les haricots, les courges, le tournesol, élevaient des chiens, fabriquaient et échangeaient des pipes.

Ce tableau schématique et traditionnel de la vie des premiers producteurs devra être nuancé lorsque seront connus les résultats des recherches archéologiques en cours en Ontario et au Québec.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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